Musée de Vence
Au
début était le corps. Cette densité de chair et de pensée à la
racine de toute souffrance mais aussi le socle même de la vie. Ce
corps là, dans l’œuvre de Franta, il ne cesse de traverser l'idée
même de toute figuration ; il la défigure comme si son masque
en était arraché pour en exhiber toute la vérité nue, une beauté
inquiète et sans fard de laquelle surgirait la lumière.
Mais
ici le corps se dissout et se diffuse dans l'espace, il se fissure,
déborde de son enveloppe pour devenir la métaphore du monde qui se
matérialise sur une toile ou dans la gangue d'une sculpture. Un
espace tellurique chargé de feu jaillit de ses entrailles et, qu'il
s'agisse d'un paysage, c'est encore du sang qui coule de cet espace
blessé comme celui de l'Afrique que le peintre arpenta dans le
souvenir de son propre exil lorsqu’il dut quitter sa
Tchécoslovaquie natale. Cette Afrique, ce continent noir et
lumineux, celui de l’exode, était aussi un paradis perdu.
Cette
béance d'une blessure originelle est à la source de l’œuvre,
elle est ce cri éteint que seuls peuvent restituer le jet de la
couleur, l’exactitude véloce d'un trait. Tout se dit ici, avec
violence, fulgurance, mais cette blessure là, elle est vie et
amour ; elle est la cible de l'artiste en même temps que
celle-ci en énonce la cause. La peinture de Franta est ce lieu
d'une confrontation qui n'épargne ni les êtres, ni la douceur, ni
la tendresse. Avec une intense humanité, cette violence du monde,
l'artiste s'en saisit pour la remodeler dans une ferveur inquiète
mais chargée d'une confiance pleine d'humilité. Le geste est ample
et généreux, sûr et maîtrisé, car son art ne connaît ni
l'hésitation ni le doute. Franta ne vacille pas ; de toute sa
puissance, il défriche et laboure l'espace, il le sème de courbes,
d'ocres lumineuses et de matières sombres pour donner vie à cette
magie que seule l'art sait encore offrir au monde.
M.G
M.G
Musée de Vence jusqu'au 21 mai 2017