Nouveau Musée National de Monaco, Villa Sauber
Jusqu’au 11 janvier 2026
Avec sa silhouette sculpturale et son caractère bien trempé, ce roi des épines et des terres arides pique notre curiosité. Doux et agressif, fragile et robuste, modeste et extravagant, le cactus incarne le paradoxe avec cette pointe d’ironie qui convient pour une exposition somme toute très duchampienne. Et l’art lui-même ne tient-il pas aussi de ce cactus, image iconique du désert? Irritant, à l’image de l’art, le cactus émerge par son étrangeté avec la nature, son aspect artificiel, sa verticalité boudeuse, ses molles rondeurs et ses oreilles décollées. Avec condescendance, mais sans quelque précaution, on le toise pour la bêtise qu’on subodore en lui. Sans doute est-ce pour cela que certains s’entichent de cet être incertain en le collectionnant comme d’autres collectionneraient timbres, papillons ou objets d’art…
Donc un regard à la Marcel Duchamp entre science, botanique, histoire et ce qui s’appelle de l’art. Car il y en a quelques spécimens et des plus étonnants qui s’amusent de leur présence au milieu de cet aréopage de savants qui dévident leur science… De mauvais élèves donc, tel David Hockney qui s’amuse avec son iPad au lieu d’écouter le professeur. Ou encore Penone, un autre sale gosse avec ses jeux de miroir qui brouillent les frontières entre les choses et leur reflet. Aucun respect pour Platon! Et un autre qui se permet de créer de faux cactus en bronze et qu’on ne sait même plus alors où est le vrai du faux! C’est la foire aux cancres. Et dans ce chahut, les copies s’envolent dans le plus grand désordre pour une exposition jubilatoire dans sa docte sévérité. Il faut dire que le cactus genre Peyotl produit la mescaline et que ses effets psychotropes pourraient peut-être expliquer ceci ou cela pour de mauvais esprits…
Botero a peint d’autres plantes grasses mais elles n’ont pas trouvé leur place ici. Mais ce n’est pas le sujet, soyons sérieux, ces cactus enrobés dans leur cire, étrangers au souffle du vent, méritent bien quelque compassion. Et on les aime justement parce qu’ils sont des mal aimés. Enfermés dans leur cabinet de curiosité, on s’éprend de la liberté qu’on leur rêve. On les console d’une caresse écologique malgré leurs piquants quand on s’y frotte. On les glorifie dans les couleurs de l’arc en ciel dans un «Sunrise cactus» de Paul Smith pour un cocktail aphrodisiaque et le souhait d’un paradis tropical. Qui ne sait que dans la vie il y a des cactus… Et qu’il faut vivre avec!
Alors cette remarquable exposition, parfois déroutante, nous entraîne sur les chemins de la métaphore sur lesquels nous faisons l’école buissonnière. On s’émerveille, on se gratte la tête, on s’amuse ou on s’ennuie, c’est selon. On s'assoit parfois sur un coussin de belle mère, on traverse tous les univers, peintures d’hier et d’aujourd’hui, lampe de Majorelle, vidéo d’Alain Fleischer, «L’apparition du monstre», photographies de Doineau ou de Brassai, installations botaniques de Ghada Amer ou superbe portrait sur toile d’un «Cactus en fruit» comme un clin d’œil à Arcimboldo. On se bouscule dans un joyeux labyrinthe dont on ne cherche pas toujours la sortie. En compagnie de dizaines d’artistes, on s’étonne, on sourit et on rit. Et le cactus n’est-il pas le signe de l’inconfort et un pied de nez aux délicats feuillages de nos forêts tempérées?