La Garenne Lemot, Clisson
Jusqu'au 3 octobre 2021
A partir de sa propre histoire, chacun reconstituera dans l'incertitude d'un récit, les fils des œuvres qui se déploient à travers des espaces discontinus, des temps contraires et se métamorphosent ainsi par cet enchevêtrement de sens en une ensemble accomplie et d'une cohérence mystérieuse. Tel est ce paradoxe de l'art qui trouve son écrin dans le domaine de la Garenne Lemot à Clisson. Dans un parc de treize hectares, le sculpteur François Frédéric Lemot imagina un paysage idéalisé qu'il imprégna de ses souvenirs d'un séjour romain à la fin du XVIIIe siècle. Parmi des chaos rocheux et des enchevêtrements d'arbres dominant la Sèvre, il édifia dans un contexte romantique nombre de colonnades, de temples ou de statues antiques. L'imaginaire se fraye son chemin entre ces « folies » minérales et des entrelacs végétaux d'où surgit « Le bois de la Gorgone », un ensemble de ramifications de bronze sculptées par Eva Jospin, à partir d'un moulage de cartons découpés pour une forêt mystérieuse.
Entre l'héritage du passé et le foisonnement de l'art contemporain, les œuvres se croisent dans les salles du château pour de belles dissonances et des rencontre inattendues. Les vers d'un sonnet de Baudelaire « Comme de longs échos qui de loin se confondent » accompagnent le visiteur pour des correspondances parfois périlleuses entre des pièces anciennes issues du Musée Dobrée à Nantes et les œuvres de douze artistes contemporains choisies dans la diversité de leurs supports et de leur relation au monde. Un « Mur de Pellicules » de Michel Blazy parle de la mémoire et du temps qui s'efface comme contrepoint au romantisme de la fuite du temps. Et que reste-t-il de ce temps en tant que valeur ? semble se demander Emmanuelle Villard dans la fusion de la peinture et des éléments de pacotille quand sequins, perles et paillettes interprètent la brillance jusqu'à l’absorption dans le noir. Face à des armes anciennes, Léa Le Bricomte détourne l'iconologie militaire et propose un « Mandala » à partir de douille de munitions. C'est par un film éclairé à la bougie que Clément Cogitore se confronte superbement à un assortiment d'anciennes lampes à l'huile et de chandeliers pour révéler le clair-obscur du passé et de ce qu'il en reste. La caméra explore la collection de peintures de Ely et Nina Bielutine dans le fatras de leur appartement de Moscou. L'humilité, la glorieuse folie du couple, rebondissent sur la magie d'un détail d'une toile de Vinci ou de Velázquez. « Bielusine dans le jardin du temps » est cet îlot de beauté dans l' incertitude du monde. L'exposition tout entière est ce voyage dans le temps, une immersion au-delà des frontières mouvantes du réel et de l'imaginaire sous les auspices de la poésie. « De longs échos » traversent les frondaisons du parc et résonnent longuement dans les salles du domaine par la seule puissance des œuvres d'art.
Œuvres de Raphaël Barontini, Michel Blazy, Clément Cogitore, Sara Favriau, Aurélien Froment, Léa Le Bricomte, Loriot-Mélia, Emo de Medeiros, Rachel Morellet, Tsuneko Taniuchi, et Emmanuel Villard
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