Tout en s'inscrivant dans la
tradition du Bauhaus, Liselott Johnsson en transgresse les règles non sans une certaine jubilation. Si de sa formation d'architecte et de
plasticienne, elle s'implique dans l'environnement urbain, social ou
écologique, c'est toujours par une parfaite maîtrise dans
l'élaboration physique de l’œuvre et par une volonté de se
départir de son seul impact visuel. Par le détour de l'ironie et un
acharnement tranquille à interroger l'image dans les codes qu'elle
subit, l'artiste prend ceux-ci à rebours en les mesurant aux
structures du langage. C'est ainsi que les couleurs et les signes
géométriques s'associent à des mots, parfois iconiques de notre
quotidien, parfois chargés d'un avertissement, d'une menace.
Cette œuvre d'une apparente
neutralité renvoie à notre monde dans toute son ambiguïté.
Aujourd'hui les signes non verbaux prolifèrent et leurs injonctions,
de façon inconsciente, induisent nos comportements. Liselott
Johnsson les prélève : Ce que disent les couleurs, certaines
indications sonores, les symboles liés à la circulation et aux
transports, l'artiste le proclame et le détourne au profit d'une
esthétique de la pensée dans la création d'une utopie universelle.
C'est en cela que l’œuvre acquiert son identité et sa force. Il
faut avoir vu son exposition dans un parc où elle élabore un mot
croisé de couleurs et de signes pour des mots et une grammaire à
recomposer. Et aussi, dans une chambre d’hôtel décorée par
Morellet, comment elle parvient à associer vidéo et sons, avec
Fabiana Cruz, pour impliquer chacun de nous dans la traduction de
l’œuvre.
Ce travail rigoureux, sans
détours rhétoriques, produit un impact implacable. Il nous place
délibérément dans la relation de la couleur et du signe, de leurs
mutations possibles et des conséquences qu'ils pourraient
engendrer. Aussi l’œuvre de Liselott Johnson est-elle aussi un cri
d'alarme froid et réfléchi sur les incidences de tous les codes qui
nous gouvernent et qui mettent en péril le langage, l'art lui-même,
c'est à dire tous ces liens essentiels qui nous unissent.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire