mardi 25 juin 2019

Simon Bérard et Tom Giampieri, "Tirer l'adresse"

Espace à vendre, Nice
                                  Jusqu'au 28 septembre



Deux artistes investissent « le château », c'est à dire la vaste salle dévolue autrefois à un générateur électrique, au bout de la cour de L'Espace à Vendre. Tous les deux sont animés par la recherche expérimentale sur la chimie de la couleur et, si chacun expose ses propres pièces, certaines sont réalisées en commun et témoignent des objectifs similaires qu'ils poursuivent. Mais le fil conducteur de l'exposition se développe à partir d'autres artistes à partir desquels leur réflexion s'est construite. On retrouvera donc dès l'entrée des œuvres de Roland Flexner, John Armleder, Stéphane Steiner et Dominique Figarella qui fournissent une clé de l'exposition en ouvrant le champ de recherche des deux artistes.
Le travail de Simon Bérard est largement citationnel et repose sur l'écart du langage et la manière d'accéder à la couleur. A partit des mots « caille » et « paille », il établit une relation matérielle et chromatique sur des supports variés en relation avec la nature. Par métonymie, un glissement s'effectue entre la caille, la bouche, l’œuf et des images analogues à partir d'haricots pour l'équivalence de forme et de couleur. L'artiste matérialise cet axe en usant de la paille pour la bouche susceptible de projeter le jaune d’œuf sur un support comme pour la technique ancienne du tempera. Et le jeu sémantique se poursuit par l'usage, par exemple, du chou rouge et du citron. Les effets sont surprenants et l'artiste part à la conquête des anciennes techniques en prenant appui sur des images comme détours ironiques de ces procédés.
Tom Giamperi s'intéresse plus directement à la couleur, aux modifications externes qu'elle peut supporter, par exemple par l'intermédiaire des UV. Lui aussi en explore les racines, s'amuse des pigments liés au bois ou au fer. Il y ajoute l'objet qui détourne le processus, la fourchette en plastique. Le dérisoire devient forme. La fourchette surchauffée étale ses fils blancs et trace des lignes qui jouent avec ou en disharmonie avec le fond coloré. Il en résulte une forme de bric à brac coloré ou de rébus plein d'humour. Tout dépend de la crédibilité philosophique qu'on accorde.aux deux artistes Ceux-ci se rejoignent dans certaines pièces ou l'identité de l'un ou de l'autre tend à se confondre quand l’œuvre n'est pas collective. D'ailleurs, comme synthèse de ces pratiques, un atelier miniature est construit comme une serre contenant l'ensemble des matériaux réels ou intellectuels à la base de ces recherches. Il y là quelque chose de sérieux et de malicieux. On s'amuse et on s'interroge sur cette trajectoire hasardeuse. On ne s'ennuie jamais.
« Tirer l'adresse » tel est le titre de l'exposition qui se déploie du sol au plafond quand le postulat de départ renvoie au rhizome qu'évoquait Deleuze. Toutes les pratiques s’enchaînent ainsi sur un axe horizontal comme sur une ligne d’horizon dans l'infini de l’œuvre et de ses repousses. Il suffit d'y croire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire