« Le
diable au corps », titre de l'exposition, ne se rapporte
pas tant à cet art marqué par une abstraction limitée d'abord au
noir et blanc, à des figures géométriques sur des surfaces planes
que par les effets de déséquilibre qu'il produira sur le public. Il
trouvera toute sa force dans des effets psychologiques et,
parallèlement, par l'incidence du mouvement, des jeux de lumières
et des structures labyrinthiques de l'Art Cinétique.
C'est
ainsi que le cinéma s'en saisira pour traduire les transes
érotiques, le trouble du vertige et des artifices. Poussées aux
limites de l'humour et de la dérision chez Lautner dans
« L’œil du monocle » ou à celles d'un kitch naïf
chez Demy dans « Les demoiselles de Rochefort »
les influences de ce mouvement artistiques sont particulièrement
soulignées ici. La mode ne sera pas en reste avec les robes
métalliques de Paco Rabane de même que les danseuses du
Crazy Horse se lovent-elles dans les sinuosités lumineuses des
projecteurs.
D'emblée
cet art se revendique illusionniste et rétinien. Chez Vasarely le
plan du tableau s'anime au gré des cercles et des damiers saisis
dans des convulsions pour des effets d'anamorphoses. Le point de vue
du spectateur est constamment sollicité. Celui-ci doit s’immerger
dans l’œuvre, son corps se déplace autour des volumes
transparents de Soto ou d'Yvaral dans une pluie de fils
de néon ou de tiges de métal. Il se heurte aux labyrinthes colorés
de Cruz-Diez. L'espace se dilate et se contracte tour à tour
et invite à une expérience physique.
De
tout cela ne faut-il retenir que le chic et le toc ou bien comprendre
les enjeux d'un tel mouvement? Parmi ses initiateurs, le GRAV
(Groupe de recherche d'Art Visuel) déclarait dans son manifeste en
1963: «Nous voulons intéresser le spectateur, le sortir des
inhibitions, le décontracter... » A cette volonté libératrice
et ludique, Morellet ajoute une dimension plus intellectuelle
en déclarant que le résultat l'intéresse moins que le système
lui-même. Les règles auxquelles il se soumet se teintent d' ironie
et peuvent rappeler l’écriture de Pérec. Pour les autres de
l'ironie, il y en eut peu. La fascination technologique désormais
peut sombrer dans la nostalgie du vintage. Ou, pour parler autrement,
les situationnistes, qui à la même époque agissaient dans l'ombre,
auraient pu dire qu'entre le spectaculaire et sa dénonciation
il ne restera que le spectacle de la dénonciation.
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