L’entrepôt, Daniel Boéri, Monaco jusqu'au 17 mai 2018
Cédric Teisseire
Et
puisque c'est là le titre de l'exposition de Cédric Teisseire et
de Wolfang Weileder, nous voici soumis à cette contradiction absolue
– saugrenue peut-être- entre un travail purement formel et la
mythologie induite par ce titre. Le slogan de 1968 portait en effet
des rêves quand nos deux artistes se confrontent, dans des
directions très différentes, au réel qui adhère à des matières
pour l'un ou à des formes pour l'autre.
Cédric
Teisseire se saisit de la la peinture dans sa fonction la plus
évidente, son effet de recouvrement, ses potentialités matérielles
et la couleur qu'elle impose. Celle-ci se refuse en elle-même à
tout pouvoir de suggestion. Aussi l'artiste choisit-il des laques
industrielles pour leur neutralité et leur contexte purement
fonctionnel. Une distance s'établit entre des couleurs non traitées
et ce qu'elles suscitent néanmoins envers ceux qui les éprouvent .
Ainsi la couleur ne procède-t-elle pas d'une nature avec ce qu'elle
porte de romantisme ou d’impressionnisme mais bien d'une culture,
de celle dont la peinture est issue dans sa matérialité comme dans
son histoire. Cette démarche qui fut celle de bien des artistes dans
les années 60 obéit pourtant ici à un protocole bien réglé
puisqu'il se limite essentiellement au pouvoir de la ligne et à la
façon de la sculpter sur son support par la seule action de la
couleur. Les lignes de couleurs sont des coulures régulières dont
les accrocs discrets s'épaississent parfois au point de mettre en
péril le propos initial pour le hisser dans une autre dimension. De l'abstraction, la peinture dérive vers
le bas relief à moins qu'elle ne se pense dans une construction sculpturale.
« Dérive »
donc. Et le livret qui accompagne l'exposition proclame :
« C'est une « dérive », voilà bien un terme
situationniste. » Le spécialiste de cette Internationale
informelle, de Debord, de Vaneigem et de la vingtaine de membres
qui constituèrent cette « organisation » mouvante selon le rythme des exclusions de leurs membres serait
surpris de ce mot qui ne figura jamais dans leurs écrits. Car le
mouvement, loin d’être une dérive, se revendiqua dans une
prégnance absolue du réel face à sa perte dans le spectacle et sa production marchande.
Mais qu'importe puisque le travail de Wolfgang Weileder s'empare parfaitement du
réel dans sa dimension humaine et collective. Mais cette réalité
se réduit à des algorithmes, à des pulsations, à des codifications qui traduisent un
écart avec ce qu'elle est censée produire. Car ces photographies
sont en quelque sorte l'électrocardiogramme d'un moment du monde.
Comme chez Teisseire, on y perçoit l'écho de notes musicales, de
stries mélodiques qui anticipent l'épaisseur physique d'une réalité
extérieure, matérielle et géographique. La nature et l'humain se
condensent ici dans cet instant, synthétique et abstrait, qui
précède sa représentation matérielle.
Les
œuvres des deux artistes se chevauchent, se contredisent tout en dialoguant dans un même rythme . Dans leur radicalité, elles
parlent de ces fils qui irriguent la vie, de ces nerfs qui en
préfigurent les tressaillements et les sursauts. En ce sens, oui,
elles sont « en situation ». Elles sont la représentation minimale du vivant.
Wolfgang Weileder
Wolfgang Weileder
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