Galerie de la marine, Nice
Si
l'accent est souvent mis sur le regard face au corps dans le travail
de Natacha Lesueur on en oublie facilement ce qui se donne ,
frontalement, à voir : De la photographie, essentiellement,
mais traitée de façon picturale. Avec une figure qui surgit d'un
fond ou, au contraire, qui se confond à lui .Et c'est ainsi que là le visage féminin se compose, non seulement dans sa réalité, mais
par le support de ce fond soigneusement élaboré. Car il y a dans
cette série un rappel de tous les artifices de l'art classique et on
songe souvent au maniérisme d'Arcimboldo, voire au grotesque de
Quentin Metsys.
Bien
sûr le propos diffère par sa dimension critique quoique Natacha
Lesueur ne répugne pas à jouer de ces glissements de sens entre ce
qui est montré et le "monstre". En effet, la perfection du grain
photographique, de même que le travail sophistiqué sur le décor, renforcent
l'aspect exhibitionniste du modèle quand le trouble surgit d'un
visage expressionniste jusqu'à l'extrême et pourtant dénué de
toute psychologie. Refus de l'émotion, de l'érotisation, quand ce
visage est la cible de notre regard mais qu'il nous renvoie à notre
fonction de voyeur et de ce qui nous appâte : fleurs, bijoux ou
rubans, tout cet attirail kitch avec lequel la femme est appelée à
se confondre.
Un
jeu subtil se tisse dans cette esthétique de papier glacé, issue de
l'image publicitaire et des mythes hollywoodiens puisque dans cette
exposition « Exotic tragédie », l'artiste se réfère à
cette icône brésilienne du cinéma hollywoodien que fut Carmen
Miranda. Le mythe permet alors à la figure de se désincarner grâce
à la mise à distance, par le décalage vis à vis du réel avec le
maquillage, la fabrication d'un corps réduit à un décorum, à un
fantasme vide. Ne reste plus que la tragédie...
C'est
aussi tout le paradoxe de l'image publicitaire qui, par sa perfection
et son rapport à nos mythologies, parvient à s'incruster dans
notre vision du monde à la manipuler et même à la créer. Elle
agit comme un slogan insidieux que Natacha Lesueur parvient à déjouer, froidement, pour en exhiber les tours, les détours et les
contours. C'est superbe et terriblement silencieux. Du grand art.
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