mardi 3 mars 2015

Natacha Lesueur, "Exotic tragédie".

Galerie de la marine, Nice



Si l'accent est souvent mis sur le regard face au corps dans le travail de Natacha Lesueur on en oublie facilement ce qui se donne , frontalement, à voir : De la photographie, essentiellement, mais traitée de façon picturale. Avec une figure qui surgit d'un fond ou, au contraire, qui se confond à lui .Et c'est ainsi que là  le visage féminin se compose, non seulement dans sa réalité, mais par le support de ce fond soigneusement élaboré. Car il y a dans cette série un rappel de tous les artifices de l'art classique et on songe souvent au maniérisme d'Arcimboldo, voire au grotesque de Quentin Metsys.
Bien sûr le propos diffère par sa dimension critique quoique Natacha Lesueur ne répugne pas à jouer de ces glissements de sens entre ce qui est montré et le "monstre". En effet, la perfection du grain photographique, de même que le travail sophistiqué sur le décor, renforcent l'aspect exhibitionniste du modèle quand le trouble surgit d'un visage expressionniste jusqu'à l'extrême et pourtant dénué de toute psychologie. Refus de l'émotion, de l'érotisation, quand ce visage est la cible de notre regard mais qu'il nous renvoie à notre fonction de voyeur et de ce qui nous appâte : fleurs, bijoux ou rubans, tout cet attirail kitch avec lequel la femme est appelée à se confondre.
Un jeu subtil se tisse dans cette esthétique de papier glacé, issue de l'image publicitaire et des mythes hollywoodiens puisque dans cette exposition « Exotic tragédie », l'artiste se réfère à cette icône brésilienne du cinéma hollywoodien que fut Carmen Miranda. Le mythe permet alors à la figure de se désincarner grâce à la mise à distance, par le décalage vis à vis du réel avec le maquillage, la fabrication d'un corps réduit à un décorum, à un fantasme vide. Ne reste plus que la tragédie...
C'est aussi tout le paradoxe de l'image publicitaire qui, par sa perfection et son rapport à nos mythologies, parvient à s'incruster dans notre vision du monde à la manipuler et même à la créer. Elle agit comme un slogan insidieux que Natacha Lesueur parvient à déjouer, froidement, pour en exhiber les tours, les détours et les contours. C'est superbe et terriblement silencieux. Du grand art.





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