Espace à vendre, jusqu'au 17 avril 2021
Les objets meurent aussi. A moins qu'ils ne sombrent dans l'oubli, que leur fonction disparaisse par le jeu d'une obsolescence non programmée ou par la lassitude de celui qui les possédait. Et les objets n'ont pas d'âme, ils ne portent que le poids de leur seule existence aliénée aux caprices et aux désirs de celui qui les possède. Rares sont ceux qui viennent hanter notre imaginaire à l'instar d'un corps ou d'un paysage et si l'artiste s'en saisit, ce n'est que pour en éprouver les contours, figurer une esthétique, envisager une mise en scène. Tel n'est pas le propos d'Arnaud Maguet qui, paradoxalement, donne à voir « ce qu'on ne veut plus voir ». L'enjeu est bien, dans ce qui se veut une écologie personnelle, de doter l'objet d'une autre vie par le biais de l'absurde, de déclarer « ceci n'est pas une pipe » car l'objet est ici dépouillé de toute identité, il n'est que l'instant d'un flux, une épave dans le circuit de la consommation.
Les assemblages facétieux d'Arnaud Maguet mêlent matières et lumières dans le cimetière des souvenirs. Désaccord parfait d'une relique technologique, d'un design démodé ou d'une paire de chaussures. Une chaise, une valise, une photo et une autre vie commence mais cette fois-ci dans la cruauté de l'apparence, dans l'exhibition de l'absurdité qui présida à l'accumulation pathétique des choses. L'artiste, comme en écho aux natures mortes d'autrefois et des vanités, désigne les choses mais sans métaphore aucune. Leur présence ne s'attache à aucun récit. L'allégorie n'est pas de mise. Le titre se substitue à l’œuvre, les mots s'emparent des choses.
« Objets inanimés, avez-vous donc une âme » écrivait Lamartine en ajoutant « qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ? ». Loin de tout romantisme, les choses d'Arnaud Maguet seraient plutôt celles de Pérec, celles qui parlent de notre temps, de notre monde, celles amputées de toute finalité. Les choses peuvent être d'une terrifiante neutralité et, si elles encombrent notre mémoire, c'est peut-être pour énoncer les décombres dont elles sont la trace. Dans « ce qu'on ne veut plus voir » mais que l'on voit quand même, il y a ce grand jeu de la dérision, l'ombre du porte-bouteille de Duchamp et cette revendication rieuse que la sculpture n'est rien d'autre qu'un objet ou cet assemblage de choses.
Arnaud Maguet présente également des œuvres d'artistes invités ; FOLDE (Front de Libération Des Esthétiques), Karim Ghelloussi, Olivier Milagou, Pierre la Police, Isabelle Rey, Julien Tibéri.