Musée des Beaux-Arts, Draguignan
Jusqu’au 15 mars 2026
A l’instar des peintres du XVIIIe siècle nous voici éblouis par ce phare dont l’éclat ne se contente pas d’éclairer un artiste mais de défricher de nouveaux chemins pour l’art.
Pourtant si Rembrandt connut très vite le succès auprès des collectionneurs, l’Académie le méprisa pour son refus de l’idéalisation, ses sujets jugés trop vulgaires et une matière picturale qui se densifia au fil du temps contre la finesse du trait. Le peintre hollandais, en effet, négligea le classicisme de l’Italie et, si la dramaturgie du clair-obscur du Caravage sculptait un théâtre de visages populaires, d’anges et de héros tragiques dans un puissant contraste entre ciel et terre, Rembrandt se détourna du ténébrisme avec un éclairage latéral pour une scène humaine dans un miroitement d’or de de bistre. Entre cendre et feu, il exprime la vie dans sa seule vérité avec ces portraits de vieillards et la flamme vacillante de leurs regards. Avec aussi ces femmes mures aux chairs tombantes qui pourtant, au-delà de la grisaille des eaux fortes, règnent dans la gloire de leur volupté comme pour un hommage à la réalité du quotidien.
La chair, la vie, telles seront donc ces lumières que nous renvoie «le phare Rembrandt». L’exposition dracénoise nous convie à cette histoire du regard en montrant comment l’artiste, au-delà du mythe, influença les peintres du siècle des Lumières. Mais aussi combien ce regard se réévalue au gré des nouvelles avancées ou des modes. Paris est alors la capitale de l’art ; on théorise, on collectionne et le réalisme de l’école hollandaise répond au goût de l’époque. Les portraits en trois-quarts et saisis dans un éclairage oblique sont souvent le fait de pasticheurs du Maître. Le regard traduit la psychologie du personnage tandis que la main désigne la fonction sociale – pinceau ou palette, livre, couteau ou tout autre objet signifiant une activité et non plus un symbole. Parmi les artistes ici présentés, Fragonard, en plusieurs toiles, accentue la couleur et par une matière généreuse exécute le portait de vieillards dans un ruissellement de teintes fauves avec les cheveux fous et les rides qui burinent le visage dans une tempête intérieure. Dans la tradition hollandaise Chardin peint des natures mortes mais dans un souci de vérité qui leur ôte toute portée allégorique. Un portrait de 1734 montre un érudit concentré sur sa lecture et surmonté d’une collection d’objets usuels. Et, toujours dans la lignée de Rembrandt, il excellera à traduire la gravité des personnages dans des tonalités sourdes, lesquelles feront aussi la renommée de Greuze. Chez celui-ci, le portrait parvient alors à saisir sans artifice toutes les nuances de l’intimité et toujours, comme pour l’ensemble de ces artistes, le vêtement n’est plus un drapé qui se développe vers le firmament mais le seul témoignage d’une situation sociale.
Ce phare Rembrandt éclaire la condition humaine qui n’a alors cessé de rayonner à travers de nouvelles images au-delà des pastiches et des imitations. La peinture est aussi cette histoire de la rationalité dans l’humanité. A Amsterdam, Rembrandt fut le contemporain de Spinoza qui écrivit : « La lumière se fait connaître elle-même et fait connaître les ténèbres, la vérité est norme d’elle-même et du faux. »

