Galerie Eva Vautier, Nice
Jusqu’au 31 mai 2025
C’est toujours par effraction qu’on pénètre dans l’œuvre de Maxime Parodi. Il faut d’abord arracher le cadenas qui enserre toute logique ou, plus précisément se doter d’un nouvel outil pour ouvrir comme le préconisait Aldous Huxley, «les portes de la perception». Celles-ci s’entrouvrent alors à travers une déconstruction du temps et de l’espace qui s’apparente à la structure du rêve pour nous plonger aux sources même de l’intime. Telles se déroulent ces «vengeances de la nuit», séquences hachées, épisodiques, obsessionnelles dans lesquelles le sujet rayonne sombrement au cœur des forces ténébreuses. Dans ses dessins, le plus souvent l’artiste se dépeint dans une nudité neutre en rupture avec le décor qui l’absorbe. Le dessin se trame dans les couleurs de la nuit, les lignes se fondent dans l’effacement d’une brume où se figent des bribes de récit. Nous voici plongés parmi des plans cinématographiques aussi énigmatiques que ceux de David Lynch.
La nuit se venge, elle hurle l’étouffement des jours, la norme, l’enfer des autres, la solitude dans la prison du décor. Et le dessin ou le tableau sont encore cette cage de laquelle il faudrait s’extraire de même que rêve ou cauchemar nous délivrent des griffes du réel tout en en exhibant la douleur. Entre stries et gommage, un univers flou se construit pour un théâtre factice dans lequel les personnages ne sont jamais les acteurs de leur propre vie. Tous sont étrangers à eux-mêmes, imperméables aux autres, réduits aux conventions sociales qui les façonnent. Spectres errants dans la nuit, les êtres se confondent à leurs fantasmes pour se fondre dans la seule réalité des images.
Le décor est si solidement planté qu’aucun air ne circule. Les réminiscences de l’art affluent en désordre. Ici le déjeuner sur l’herbe de Manet et son érotisme froid et sans désir avec la campagne comme une nature morte. Ailleurs, un morceau de manga, un rappel de bande dessinée, une lueur de sourire de l’ailleurs parmi les convenances de la société. Mais toujours une intériorité figée dans l’univers resserré d’un tableau de Vuillard. Et quand il s’ouvre, c’est sous les auspices d’une lumière artificielle et balafrée comme dans la peinture d’Hockney lorsqu’il peint la nature. Le dessin pour le Noir de l’intérieur, la Couleur pour l’extérieur et cet éveil qui rime avec merveille. Peut-être alors le jour se venge-t-il de la nuit…
Ne cherchons pas d’autres clés pour se soustraire à ces enfermements que le reflet qui nous en est ici restitué. Peindre, dessiner est un acte de résistance et de délivrance. Maxime Parodi conjugue avec brio les labyrinthes de l’invisible et de l’impossible qui s’accrochent à nos vies comme une mauvaise herbe.