Villa Arson, Nice
Jusqu’au 2 février 2025
Toute image s’inscrit dans la trame d’un récit mais encore faut-il qu’elle s’associe à une pensée et qu’elle fasse remonter à la surface l’invisibilité des rituels qui façonnent notre quotidien pour qu’elle se prétende œuvre d’art. La peinture, dans son histoire, se constitue dans une transformation des formes et des couleurs au travers desquelles surgissent des images qui, au gré des métaphores, des allégories ou des symboles, parlent de nos mythes contemporains et de ce qui les relie aux fondement mêmes de notre société. Lauréat de la Bourse 2023 de la Francis Bacon MB Art Foundation et jeune diplômé de la Villa Arson, Lukas Meir peint et réalise des céramiques pour en extraire l’essence de nos propres mythologies «à l’ère des vacances et du capitalisme tardif». C’est donc aussi l’histoire de Nice qui se joue quand la plage se présente comme une scène théâtrale et que les estivants deviennent les acteurs d’une autre vie dans la transformation des corps par l’adoration d’un rite solaire qui se transforme en «coup de soleil»!
La peinture de Lukas Meir propose une illustration ironique de ces rituels par lesquels l’estivant, entre plaisir et souffrance, cherche quelque rédemption qui se traduirait ici dans le calque de la peinture religieuse de la Renaissance que l’artiste tour à tour cite et balafre dans un geste d’effacement ou quand il en exhibe des fragments. Cette dramaturgie du corps rougi, brûlé, supplicié répond à l’histoire même de la peinture, à l’image des martyrs, à ses poses stéréotypées, à ses injonctions morales dans l’idée de pénitence. La crème solaire est cette «anoiting», cette onction. Elle devient alors la panacée protectrice pour une peau souffrante et le miracle se produit alors pour des corps pourtant réduits au vertige de leur anonymat et de leur solitude quand chacun prétend pourtant à un idéal de beauté. L’intelligence du propos, Lukas Meir l’illustre par sa virtuosité à rendre ce monde artificiel dans une technique froide et distanciée pour illustrer les corps, pour peindre ciel ou mer comme des peaux mortes sur des plages où seules échouent nos solitudes. Réalisme et symbolisme ici se confondent pour énoncer implacablement les rituels qui nous gouvernent.
Dans le même temps, la Villa Arson présente une exposition d’une quarantaine d’élèves diplômés en 2023. Il s’agit bien alors aussi d’un «rite de passage» pour ces jeunes artistes dont nous percevons l’ancrage dans un art contemporain entre préoccupations sociétales, angoisse écologique, psychanalyse… Le bricolage, l’éphémère hantent des œuvres authentiques, parfaitement réalisées comme un miroir-reflet de l’art d’aujourd’hui. Ces jeunes artistes sauront-ils être les explorateurs des lendemains?
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