Centre international d’Art Contemporain de Carros
Jusqu’au 16 juin 2024
Carros, un pas de côté vers la Belgique
Voici ce qui ressemble à une belle histoire belge entre humour et dérision, mais pourtant une histoire qui nous parle d’aujourd’hui. Et quel paradoxe pour le «Plat Pays» de faire glisser sur une mauvaise pente Baudelaire quand il écrivit: «Le belge éclate de rire pour faire croire qu’il a compris». A nous maintenant de comprendre, au deuxième ou troisième degré, une exposition pleine de détours et de surprises graves ou rieuses, toujours en décalage avec le réel.
La belgian connection nous entraîne d’abord dans le «cabinet de la belgitude» pour une immersion du côté de l’autodérision et de la politique quand les œuvres jouent des couleurs du drapeau belge comme autant de glissements savoureux sur la notion de nationalité quand des peuples parfois si différents la constituent. Les titres sont éloquents quant aux œuvres qu’elles illustrent, «La bécane belgicaine» pour une photographie d’un même vélo avec deux cyclistes vêtus d’un même maillot tricolore mais roulant chacun dans un sens opposé. Ou bien «La Belgique c’est du gâteau» pour une sculpture en biscuits correspondant à trois portions distinctes du drapeau national.
C’est en effet sur la notion de matière que les artistes belges avancent des propositions parfois aussi saugrenues que convaincantes. Déjà le titre «Matières premières» est déjà quelque peu pipé quand les matières convoquées proviennent au contraire du rebus mais trouvent, par le geste de l’artiste, une nouvelle noblesse. Dans un parfait illusionnisme, José Sahagun crée des sculptures physiquement imposantes comme le fit Chillida. Sauf que celles-ci ne sont pas en acier mais en mousse. Et toute l’exposition joue de ce «pas de côté», de ces dérapages et des points de vue nouveaux qu’ils impliquent. L’humour dans la matière même de l’art est une arme contre ce bon sens qui ne l’est pas toujours vraiment.
Parfois l’esthétique se confronte à la trivialité du matériau.
René Rohr construit de délicates guirlandes de dentelles en caoutchouc tandis que Isabelle Linotte les travaille avec des chambres à air. Matières dernières ou premières, tout dépend du sens que l’on prend. Mais d’évidence, il s’agit de jeter un autre regard sur le déchet et la consommation mais aussi de penser comment ceci peut contribuer à changer le monde. Et l’art est ce pas de côté vis à vis du réel, un grand écart vis à vis des conventions et des idées reçues. C’est en cela qu’il anticipe et émancipe. L’exposition à Carros en est une parfaite illustration.
Une cinquantaine d’artistes nous proposent sous la conduite de Philippe Marchal, un parcours toujours surprenant et parfaitement mis en scène. Il n’y a ici rien à jeter, tout doit être consommé sans modération!
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