mercredi 1 mars 2023

Tom Wesselmann, «After Matisse»

 



Musée Matisse, Nice

Jusqu'au 29 mai 2023


Il refusait l'anecdote et en cela Tom Wesselman s'écarta de l'imagerie Pop à laquelle on ne cessa pourtant de l'associer. D'ailleurs en considérant ses aller-retours entre abstraction et figuration, on comprendra que sa peinture s'orienta largement vers une réflexion sur l'histoire de l'art, le nu et la nature morte. Aussi ne se priva-t-il jamais de citer plastiquement Cézanne ou Mondrian mais ce fut sans conteste Matisse qui marquera nombre de ses œuvres. L'exposition que lui consacre le Musée Matisse met en lumière cette filiation à partir de 41 pièces de l'artiste américain, de ses premiers collages en 1959 jusqu'à ses ultimes compositions monumentales des «Sunset Nudes» du début des années 2000.

Conjuguer l'esprit et la forme, telle pourrait être la quête de bien des artistes mais Matisse fut celui qui imposa cette radicalité de la surface et de la couleur brute pour dire le monde. Commissaire de l'exposition, Claudine Grammont est parvenue à élucider les liens entre les deux artistes à travers une parfaite scénographie qui met en évidence chez eux la proximité des thèmes et l'affinité des formes par les aplats colorés et les découpages. Et l'exposition traduit toute l'évolution du travail de Wesselmann en relation avec cet apport matissien. C'est ainsi qu'entre l'ornemental des arabesques et autres odalisques orientales, Wesselman amplifie les leçons de Matisse par des contours nets, des motifs floraux, des croisillons de lignes et des courbes qui déchirent l'espace.

L'American Way of Life se heurte ici avec bonheur à la sérénité heureuse du regard de Matisse. Assemblages, juxtaposition des images et jeux d'échelles interprètent avec brio cette volonté de décliner corps, objets et éléments décoratifs dans une même orchestration. Pour Wesselman la technique industrielle est un moyen de poursuivre le projet matissien. L'aluminium ou l'acier découpé au laser produit un dessin à même le mur tel un bas-relief. L'image publicitaire de papier glacé se teinte ici d'une plénitude solaire si bien que la banalité d'un objet se conjugue à la beauté du monde. Le désir se lit dans l'éclat pourpre d'un ongle, l'irruption d'un sein ou l'ouverture des lèvres.

 Wesselman, arrivé à New York en 1956 deux ans après la mort de Matisse, peint le plaisir de la peau et des choses comme autant de signes pour une grammaire visuelle qui nous incite à contempler ce qui peut rapprocher la forme d'un rouge à lèvre avec celle d'un baiser. La couleur pure et l'artifice des formes parfaites affirment que l'art n'est pas imitation de la nature mais émancipation de l'esprit et des corps.

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