Hôtel
Windsor, Nice
Voici un lieu qui ne peut
laisser indifférent : Des chambres décorées par des artistes,
un hall qui accueille régulièrement de nouvelles créations et le
chant des oiseaux dans un jardin extraordinaire. Mais vint à
circuler un mauvais virus jusqu'au confinement dans un hôtel désert.
C'est là que Nagham Hodaifa, d'origine syrienne, venait de
s'installer pour une résidence d'artiste qui s'achève maintenant.
L'expérience de la solitude dans un dédale de pièces chargées de
récits, de concepts, de lumières et d'ombres avec les voix
lointaines de Morellet, Raymond Hains, Philippe Perrin, Viallat, Le
Gac, Ben et tant d'autres... La prégnance du lieu et le silence des
fantômes ne pouvaient qu'entrer en résonance avec l'univers
personnel de Nagham Hodaifa.
Celle-ci
souhaitait s'emplir de sa nostalgie de la Méditerranée mais aussi
de la réalité de ses drames. et voici que cette Méditerranée lui
était interdite. Ne lui restait plus que le bruissement proche des
vagues au rythme de son imaginaire. C'est donc là qu'elle élabora
cette œuvre subtile tant les effets de transparence sont déjoués
par la violence sourde et tragique qu'elle recouvre. La peinture est
ce flot rythmé par le souvenir de la danse, de la gestuelle du corps
comme source de l'acte créateur. Pourtant la présence du corps
n'apparaît jamais ici dans sa réalité mais seulement par le miroir
de son enveloppe immergée qui se décline par fragments. Sur des
polyptyques de grand format, des mains, des pieds, des indices de
corps réduits à ce qui les recouvrait comme le cri éteint des
milliers de disparus au fond de la mer. Les flots se dessinent alors
dans le drapé d'un linceul et de ses déchirures. Un bleu superbe
s'empare de formes organiques et visqueuses, la mer s'étire dans
l'huile de la peinture pour dire le silence des profondeurs, le
recueillement qu'il impose. Maudire la beauté écorchée par les
hommes mais la proclamer encore. « Le dire avec des gants »
puisque que c'est aussi avec ceux-ci qu'elle travaille. Mais aussi
pour murmurer autrement, prudemment, mais sans concession aucune.
Ou bien comme quand « on jette le gant » par défi, et
qu'on se dévoile dans la peinture, qu'on plonge dans ses fonds
mystérieux d'où remonte à la surface comme l'écho d'un champ
funèbre. Pourtant les toiles ou les autres supports de Nagham
Hodaifa s'imprègnent de légèreté. Les formes qu'elle convoque
sont vivantes, fœtales et semblent en attente dans un océan
amniotique dans l'espérance d'une vie future. L’œuvre se
déploie, musicale, dans cette lumière incertaine saisie au cœur de
l'émotion.
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