mercredi 30 septembre 2015

Thierry Lagalla, l'esperiença plata (The Flat Experience)

          Espace à vendre, Nice


                 Une exposition de Thierry Lagalla s’envisage comme une incursion dans  un  parcours narratif semé de pièges visuels et de chausse-trappes linguistiques. Ici tout est faux car le réel se dérobe dans le jeu des images d’Epinal, de la figuration carnavalesque que les jeux de mots malmènent et façonnent tout à la fois.

                Le réel c’est donc bien ce point aveugle qui est l’alpha et l’oméga d’une œuvre mais ce réel est biaisé, perverti par tous les systèmes de représentation, à commencer par celui du langage lui-même. Au début était le verbe grimaçant, l’étymologie clownesque et  l’artiste funambule sur ce fil incertain. On entend ici ce monologue de Macbeth: » La vie est une fable pleine de rage et de fureur racontée par un idiot et qui ne signifie rien. » Comme pour Shakespeare qui montre le vrai comme une mise en abîme du faux et qui joue du double sens et de l’équivoque, Lagalla, dans son histrionisme assumé, défie le réel. Pour Shakespeare le monde est une scène, pour Lagalla il n’est qu’un décor. 

               Un décor est un voile, une peau d’apparence prise en tenaille par les contorsions de la langue et l’épuisement de la représentation quand elle se meut dans les images d’Epinal, la peinture et ses artefacts, le dessin… Mais tout est faux, copie de la copie. Le dessin peut prétendre à la photographie, la peinture donner l’illusion de la matière. La figuration ce n’est que cela.

               Alors autant montrer ce trivial, le démonter en amont par les jeux de langage, les pièges étymologiques qui se saisissent de toutes les habitudes, les certitudes et de leur corollaire, la figure de l‘artiste et ce qu‘on peut attendre de lui..

              A cela, Thierry Lagalla répond par l’expérience qui détricote le maillage de l’art et du langage, exhibe l’auto portrait  dans sa vanité  goguenarde quand elle se réduit à la reproduction de sa reproduction dans un circuit de natures mortes charcutières, d’icones patatières et d’usines à gaz… 

            « L’esperiençia plata, The Flat Experience: La métaphore d’une sole. L’entre deux entre la langue nissarde et l’anglais pour étirer le sens jusqu’à l’absurde. Chaque œuvre répond à une autre dans le grand écart des techniques convoquées, avec des clins d’œil à l’histoire de la peinture  et les  mots à double sens qui la perturbent.

           L’idiot est un philosophe. Il sacralise la mortadelle aussi bien que l’hêtre. Et tout langage n’est que ce métalangage dérisoire dans lequel l’artiste se débat et construit son œuvre sur l’équilibre d’un fil narratif qui nous égare pour mieux nous éclairer. L’expérience plate qui éclate la patate.

 




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