La conciergerie Gounod
Claudine Dupeyron ne renoue pas avec ce fond archaïque mais en explore plutôt les cheminements par son retour à ce moment où l’objet balbutie encore avec cette nature dominatrice qui le porte et le façonne. Non plus en amont du primitif mais en aval des matières charriées par la mer, érodées par le temps. Ainsi dessine-t-elle autant qu’elle les sculpte, les contours d’une géographie humaine quand les corps seraient en attente de ces parures pour en devenir le socle: des sculptures donc, des battements d’ailes mêlés aux flux telluriques, des sédiments échoués, des déchets de mémoire…
C’est la nature qui accomplit ici son travail par la force des éléments. Le feu, l’éclatement des minéraux, l’écrasement, la fusion, les agglomérats, la dislocation d’où surgissent des traces incertaines qui préfigurent cette métamorphose à laquelle l’artiste les soumet. Car les matières, désormais fondues, broyées, malaxées, élimées, sont assemblées, liées, tendues pour former ces formes hybrides qui se déploient dans l’espace, magiquement aérés par les boucles des chaines des colliers et les grilles -les griffes? - d’une ferraille statuaire. Surgissent alors d’improbables sertissures pour des pendentifs venus de nulle part quand l’écho des origines s’échoue sur ce travail minutieux, quand chaque pièce parvient à trouver sa propre dynamique.
Il y a ici le geste chamanique de cet après, de cet instant d‘après l‘écho. Quand l’artiste recompose le temps dans un rêve démiurge. Des broches, des agrafes apparaissent et la couleur s’extrait de la matière, des attaches de fer ou de cuir; elles seraient aussi bien l’adjonction pour un corps que l’extension de celui-ci. Cicatrices ou séduction. Scarification pour un rituel qui, ici, laisse le corps en suspension. Mais on devine que le corps, en creux, en est bien l’espace, la finalité.
Dans cette œuvre circule un étrange réseau de fibres indistincts, traversé d’une électricité mystérieuse: Se parer d’un bijou c’est aussi s’emparer d’un signe et quand celui-ci devient un objet d’art c’est le geste même de la création qui s'expose.
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