mardi 7 janvier 2025

«Jardins et palais d’Orient»


Hôtel Départemental des Expositions du Var, Draguignan

Jusqu’au 6 avril 2025



«Nous pensons toujours ailleurs», écrivait Montaigne dans ses Essais. Rêvé, fantasmé, pour nous cet ailleurs se cristallisa dans un orientalisme vaporeux hérité du romantisme au XIXe siècle. L’exposition dracénoise a le mérite de s’ancrer davantage sur un socle géographique et historique tout en suivant un fil symbolique en un bel équilibre entre réel et imaginaire. Cet «ailleurs» s’incarne alors, par un univers stylisé, dans un «au-delà» quand le jardin murmure le souvenir d’un paradis perdu mais s’accorde à tisser les liens d’un Éden à venir. Ce voyage dans le temps qui nous transporte à partir de l’Empire perse achéménide vers les jardins de Babylone, l’Égypte, Constantinople ou Grenade est aussi une méditation sur l’espace quand il se réduit au vestige ou à la trace dans deux émouvantes œuvres contemporaines de l’artiste Stéphane Thidet.

De ce grand écart entre le passé et aujourd’hui, l’exposition nous conduit du jardin, nature humanisée et sublimée, vers le palais toujours ouvert aux fleurs, aux arbres, à la mélodie des oiseaux et aux parfums qui se diffusent à partir des arabesques ajourés des moucharabiehs. Là se jouent la comédie du pouvoir ou les rituels du plaisir dans ce va et vient entre le dedans et le dehors, l’ici et l’au-delà, l’éphémère et l’éternité. D’une pièce à l’autre, le parcours s’effectue sur le mode de la découverte à travers un riche éventail d’objets archéologiques, de documents illustratifs, de panneaux de céramiques, d’instruments de musique… Il faut saluer la scénographie qui nous transporte entre ombre et lumière, dans des récits esquissés avec leurs parts de rêve et de réalité pour un voyage où l’histoire se confond à la poésie. A travers ces instants qui se développent sur plusieurs siècles, une vision du monde transparaît en même temps qu’une architecture mentale, philosophique et civilisationnelle se construit. La relation entre le jardin et le palais en est la métaphore.

Au-delà de la richesse des objets présentés, il faut se laisser émerveiller par l’exactitude du graphisme de telle gravure ou par la qualité de la couleur dans telle illustration de la vie quotidienne. Cet univers témoigne d’un idéal, d’une perfection à la portée de l’homme, dans son geste et sa pensée. Tout ici répond à une organisation parfaite dans l’aspiration d’un absolu. Certes ce n’est pas le réel qui est en jeu mais plutôt l’image d’un paradis ponctué de feuillages stylisés, de roses et de jasmin dans lequel on se prend à rêver. Un voyage dans l’espace et le temps à faire même sans tapis volant!