lundi 27 janvier 2025

«364 saisons», Lamarche & Ovize


Espace de l’Art Concret, Mouans-Sartoux

Jusqu’au 2 novembre 2025



Quand tout n’est que mouvement, chaque jour est une saison. Et le jardin devient cet espace où se transforment, éclosent ou périssent fleurs ou papillons dans «le chant du monde». C’est d’ailleurs à cette tapisserie de Lurçat que rend hommage le duo d’artistes dans une vaste fresque où les constellations jouent avec les poissons, les feuillages ou les oiseaux entre soleil et lune. La peinture s’associe à la laine, l’art se dissout dans le vertige de l’univers. La vie dans tous ses états se déploie pourtant dans une œuvre issue de son propre contexte: En effet, il s’agit ici, entre art et artisanat, de la résidence qui permit aux artistes de créer leurs œuvres dans l’environnement du restaurant Mirazur et de ses jardins à Menton. Là, dans cette parfaite synesthésie du goût, des parfums et de la délicatesse du regard, une parfaite alchimie s’opère entre le travail des hommes, la nature et la culture si bien que l’exposition traduit aussi la production des artistes comme le double d’un carnet de notes des jardiniers et des cuisiniers.

Dans ce foisonnement, les vastes dessins du duo vibrent de leurs couleurs folles comme échappant au réel pour ranimer la sève d’un enchantement poétique. Les feuillages s’enlacent à leur racines dans d’inextricables réseaux végétaux, le dessin répond à des sculptures lumineuses ou à celles des oyas, ces poteries semi-enterrées pour réceptionner l’eau de pluie afin de la diffuser dans le sol pour irriguer les citronniers. A partir de signes empruntés au règne végétal et animal, Lamarche & Ovize tissent un fascinant labyrinthe pour une Alice au pays des merveilles qui rencontrerait le quotidien des hommes dans le cycle des jours.

C’est le chef étoilé du Mirazur, Mauro Calagreco, qui souffla aux artistes ce titre des «364 saisons» comme pour affirmer que tout se transforme et que l’herbe la plus humble est unique en son miracle. Aussi faut-il la célébrer, la développer dans le rêve d’un dessin ou l’inscrire dans les vapeurs d’un parfum qui, ici, s’élabore au détour de quelques œuvres sous les auspices de Alain Joncheray et de la société Art&Parfum. C’est donc un voyage expérimental entre jeux visuels et sonores auquel nous sommes conviés, un jeu de piste pour l’émotion qui décloisonne les sens comme il dissout les frontières entre le réel et l’imaginaire. Chaque œuvre porte son univers foisonnant qui se façonne en une multitude d’entrelacs entre la vie cellulaire et l’infini. La couleur, exacerbée, fuse par jets ou se répand, terrassée, dans des effluves de terre ou d’agrumes. Les lithographies diffusent les ondoiements de ces mondes incertains quand leur répondent des céramiques comme des instants de vie figée dans l’attente d’une autre mutation. Plus que jamais, l’art et la vie coïncident dans cette joyeuse incursion dans un monde où l’on comprend que les vers de terre tombent amoureux des étoiles.





mardi 7 janvier 2025

«Jardins et palais d’Orient»


Hôtel Départemental des Expositions du Var, Draguignan

Jusqu’au 6 avril 2025



«Nous pensons toujours ailleurs», écrivait Montaigne dans ses Essais. Rêvé, fantasmé, pour nous cet ailleurs se cristallisa dans un orientalisme vaporeux hérité du romantisme au XIXe siècle. L’exposition dracénoise a le mérite de s’ancrer davantage sur un socle géographique et historique tout en suivant un fil symbolique en un bel équilibre entre réel et imaginaire. Cet «ailleurs» s’incarne alors, par un univers stylisé, dans un «au-delà» quand le jardin murmure le souvenir d’un paradis perdu mais s’accorde à tisser les liens d’un Éden à venir. Ce voyage dans le temps qui nous transporte à partir de l’Empire perse achéménide vers les jardins de Babylone, l’Égypte, Constantinople ou Grenade est aussi une méditation sur l’espace quand il se réduit au vestige ou à la trace dans deux émouvantes œuvres contemporaines de l’artiste Stéphane Thidet.

De ce grand écart entre le passé et aujourd’hui, l’exposition nous conduit du jardin, nature humanisée et sublimée, vers le palais toujours ouvert aux fleurs, aux arbres, à la mélodie des oiseaux et aux parfums qui se diffusent à partir des arabesques ajourés des moucharabiehs. Là se jouent la comédie du pouvoir ou les rituels du plaisir dans ce va et vient entre le dedans et le dehors, l’ici et l’au-delà, l’éphémère et l’éternité. D’une pièce à l’autre, le parcours s’effectue sur le mode de la découverte à travers un riche éventail d’objets archéologiques, de documents illustratifs, de panneaux de céramiques, d’instruments de musique… Il faut saluer la scénographie qui nous transporte entre ombre et lumière, dans des récits esquissés avec leurs parts de rêve et de réalité pour un voyage où l’histoire se confond à la poésie. A travers ces instants qui se développent sur plusieurs siècles, une vision du monde transparaît en même temps qu’une architecture mentale, philosophique et civilisationnelle se construit. La relation entre le jardin et le palais en est la métaphore.

Au-delà de la richesse des objets présentés, il faut se laisser émerveiller par l’exactitude du graphisme de telle gravure ou par la qualité de la couleur dans telle illustration de la vie quotidienne. Cet univers témoigne d’un idéal, d’une perfection à la portée de l’homme, dans son geste et sa pensée. Tout ici répond à une organisation parfaite dans l’aspiration d’un absolu. Certes ce n’est pas le réel qui est en jeu mais plutôt l’image d’un paradis ponctué de feuillages stylisés, de roses et de jasmin dans lequel on se prend à rêver. Un voyage dans l’espace et le temps à faire même sans tapis volant!