mardi 5 septembre 2023

Festival d'art contemporain, Botox(s) Parcours Monaco

 

dimanche 20 août 2023

Martial Raysse, « Œuvres récentes »

 


Musée Paul Valéry, Sète

Jusqu’au 5 novembre 2023



Art, littérature ou la vie elle-même, tout réside dans la seule construction d’un récit. En ce sens, il n’existerait qu’un art narratif comme pour la peinture qui ne cessa d’illustrer un récit mythologique, religieux ou héroïque avant même de saisir la réalité d’un corps, d’un visage ou d’un paysage. Le récit personnel s’ancre ainsi dans un récit historique et il s’agit alors soit de le poursuivre dans l’adhésion de l’image au réel, soit de s’en débarrasser en créant les fondements d’un autre récit, celui que la pensée seule élabore quand elle se casse pourtant les dents sur l’écran du monde. Il ne s’agit plus alors de raconter ou de commenter mais bien d’essorer le système de l’image, d’en extraire les normes spectaculaires et marchandes et tout ce qui nous asservit à leur domination. Martial Raysse est celui qui, dans son imagerie pop du néon et des odalisques, connut la gloire et qui, un jour, s’exila dans le Sud-Ouest et rompit avec le monde et le marché de l’art.

Loin d’être un peintre narratif, Martial Raysse est un peintre littéraire qui utilise lignes, couleurs, fond et figures comme des mots. Il confie: «La peinture m’intéresse parce que c’est un langage sans paroles. C’est pour ça que je suis devenu peintre, sinon je serais devenu écrivain. La peinture est un langage universel.» L’artiste ne représente rien d’autre qu’un récit personnel où les émotions s’agglomèrent à l’invention de mythes où des personnages mal léchés, hirsutes et inhumains interprètent dans le cadre du tableau une danse sacrilège pour la peinture elle-même. La couleur est acide, les traits sont louches, les regards suspects, les gestes faux. Le rose est morose et le bleu suinte le blues. De ce désaccord avec la nature et sa reproduction, Martial Raysse écrit une partition folle, sombre et joyeuse qui serait celle d’une danse endiablée si le peintre n’en coagulait le mouvement dans la force silencieuse ou souterraine de l’image. Celle-ci ne cesse d’être la cible de l’artiste qui l’imprègne d’un élément sacrilège, d’un rictus et, souvent d’un titre ironique. Le peintre travaille ici avec des mots issus des fonds d’une mémoire collective et non avec ceux de la grandiloquence de la préciosité de la folie comme le ferait Garouste. En une centaine d’œuvres produites dans les quinze dernières années, une écriture picturale inédite se déploie dans son incandescence sombre et son autorité rieuse.

Martial Raysse est aussi sculpteur et s’autorise tous les matériaux; il écrit des poèmes et réalise de petits films, il dessine et il fait ce qu’il veut. Il est la liberté car la gloire, la mode ou les idéologies n’ont pas de prise sur lui. A elle seule, sa peinture témoigne des désordres du monde qu’il nous revient désormais d’interpréter. Martial Raysse déclara à Otto Hahn: «J’ai fait des études littéraires mais j’ai abandonné car je voulais me consacrer à la poésie. Influencé par Mallarmé, je cherchais à réduire la phrase à sa quintessence pour n’employer que deux mots qui s’entrechoquent.»

Sur les contreforts du cimetière marin, le Musée Paul Valéry de Sète avait présenté l’été dernier une rétrospective passionnante de l’œuvre de François Boisrond, autre artiste aussi célèbre qu’inconnu. Un musée qui devrait être un modèle pour bien d’autres...

                                                               "Courage Martial" Huile sur toile, 200x131cm Pinault Collection
                                      

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jeudi 3 août 2023

Françoise Petrovitch, «Aimer. Rompre»

 

Musée de la Vie romantique, Paris

Jusqu’au 10 septembre 2023




Les yeux clos et des paysages éteints. Et la douceur de la tristesse. Le Musée de la Vie romantique s’imprègne de cette peinture humide comme des larmes retenues au bord du pinceau pour dire une incertaine présence au monde, les corps éventés, la pensée prisonnière. La peinture fluide de Françoise Petrovitch, toujours au bord de l’effacement, trouve ici son havre naturel et s’y loge dans une somnolence rêveuse. Une Ophélie lointaine se dévoile dans ses teintes soyeuses de rose ou d’un bleu délavé pour un ciel éternel à lui-même et d’un temps absent. L’artiste peint et repeint l’évidence de l’image quand la réalité du monde peine à s’exprimer en cris ou en silences et qu’il lui faut ce retrait dans l’au-delà d’un miroir pour susurrer des mots prisonniers de l’âme et du cœur.

«Aimer, Rompre». Brûlure et déchirure se consument alors en tâches et en couleurs, en brumes et en mains qui s’agrippent aux corps pour ne pas les perdre. Françoise Petrovitch dessine le sourire des pleurs pour raconter les solitudes, les instants où le flux de la vie s’interrompt comme dans un arrêt sur image. Alors tout se cristallise dans une simplicité absolue, dans une imagerie qu’on croirait surgie de l’enfance mais tellement hors du temps et dans l’ailleurs d’un monde déchiré au désir et au réel. Être étranger au monde c’est dire l’autre qui nous ronge en nous-mêmes. L’artiste peint cet autre, cette personne que nous ne sommes pas et qui ne cesse de nous hanter. Tout est terriblement simple comme dans un paysage désolé qui se teinte d’une pluie apaisante puisque c’est ainsi que la peinture se dépose sur le papier ou la toile.

Pourtant à l’effusion romantique, Françoise Petrovitch répond par l’écran du cliché, la fragilité, l’incertitude, l’indécision. Les attitudes sont figées comme si l’image elle-même s’emparait des êtres avant que ceux-ci ne trouvent la liberté de vivre, d’aimer, de rompre… Peut-être alors faut-il peindre pour s’évader de l’image?





«Souvenir nouveau»


Le Grand Café, Centre d’Art Contemporain, Saint-Nazaire

Jusqu’au 10 septembre 2023


                                                         Nina Childress

Comme l’union de la carpe et du lapin, «Souvenir nouveau» se veut une locution de coïncidences et de paradoxes pour, dans un même espace, la présentation de peintures acidulées et pop de Nina Childress ou de Jean-Luc Blanc face aux raccommodages inquiets de Liz Magor. L’art se nourrit ainsi de ces accidents qui s’emparent des normes pour s’ouvrir à de nouveaux territoires. Et de cet ensemble rythmé voire chaotique, émerge un présent programmé comme une mémoire avec en guise d’introduction: «Les contrastes accentuent les échos entre les œuvres pour aller chercher derrière les généralités des lignes de force souterraines qui nous parlent toutes d’un rapport au temps présent hanté par des réminiscences

Sur ce fil discontinu, une vingtaine d’artistes de plusieurs générations élaborent esthétiques ou concepts qui se croisent, se heurtent ou se dissolvent dans un temps déconstruit. Mais il est dit que «le passé est un inépuisable magasin de nouveautés». Aussi tout peut se décliner avec humour ou dans le sérieux d’une autorité hautaine quand l’artifice répond au réel et que peintures, sculptures, photos et vidéos se télescopent dans un accrochage audacieux pour délivrer un récit parfois tout autre que celui que l’artiste aurait pressenti. C’est ainsi que les automatismes de langage élaborés comme des séquences peintes de Sylvie Fanchon se trouvent en résonance avec des toiles lumineuses de Samuel Richardot où corps et paysages s’assemblent dans une identité rieuse. De même les photographies d’Anne-Lise Seusse désignent des masses d’objets hétéroclites dénichés aux Puces de Saint-Ouen pour une réflexion sur la marchandise et l’écologie quand, ailleurs, les œuvres de Pierrette Bloch élaborent leurs superbes enchevêtrements de nœuds et de mailles tricotées comme des dessins ou des mots qui parlent de l’épaisseur du seul silence…

Comment tout réunir quand tout s’oppose? Comment construire un discours quand le fil conducteur est rompu et qu’un temps détruit répond à un espace friable? Peut-on croire qu’entre elles les œuvres entretiennent toujours un dialogue? Au moins, au-delà de la qualité de beaucoup des œuvres présentées et de son ambition, cette exposition a-t-elle le mérite de dire en creux ce qu’elle veut nier: On ne dit pas n’importe quoi, n’importe où et n’importe comment.

                                                               Sylvie Fanchon

samedi 15 juillet 2023

Martine Feipel &Jean Bechameil, «Traversée de nuit»

 



L’interaction de l’art et de la vie ne cesse de hanter la création contemporaine et, d’une exposition à l’autre, nous voici confrontés à une multitude de propositions disparates mais toujours dans cette même volonté de faire écho à notre environnement et de donner forme aux liens qui rattachent l’artiste à la société. Pour Martine Feipel et Jean Béchameil, il ne s’agit donc pas tant d’explorer de nouveaux territoires que d’associer la sculpture ou l’architecture dans leur relation contradictoire au réel et à l’imaginaire. «Traversée de la nuit» est une vidéo illustrant une procession nocturne, allégorie de migrations où les personnages portent en guise de revendications des effigies de cigales, de pieds ou de scarabées réduits à l’effet de signes dévitalisés. Le duo d’artistes excelle dans ces cérémonies sous forme de performances filmées mais aussi de compositions en résine acrylique de figures géométriques ou d'une nature épurée. Inquiétude ou résilience se disputent dans les paradoxes des arbres, d’une ruine et d’une robotisation exacerbée. L’univers se réduit alors à ce conflit ouvert par lequel la rigueur minimaliste et l’obsession utilitaire se confrontent à une communauté humaine.

Ici s’entremêlent poésie et politique quand Feipel & Béchameil dans un registre très ouvert, fait appel à la robotisation et au mouvement pour traiter dans des matières neutres, résine, plâtre ou céramique, un univers parallèle aux couleurs industrielles. Cet univers percute l’histoire de l’art par des allusions au Bauhaus, à Sonia Delaunay et au modernisme. Mais il parle surtout de l’étrangeté de notre rapport au monde quand nous y sommes tous étrangers par le filtre de ces œuvres qui se dérobent à nos certitudes pour interpréter leur propre partition. A la fois collectives et d’apparence évidente, les pièces présentées s’associent pourtant comme des énigmes absorbées dans une même grammaire. La fragilité du sens, l’inutilité des choses se heurtent alors à un désir de beauté, à un rêve d’humanité. Parfois cet art peut sembler froid, hostile. Pourtant pour peu que l’on s’y confie, sa complexité dans l’invention, son intelligence et son défi à toute logique, parviennent à imposer l’idée d’une domination technologique qui aurait contaminé toutes les strates de la société en emportant avec elles le souvenir même de l’art. C’est pourtant bien celui-ci que nos deux artistes revendiquent avec force et dans un humour discret: d’autres matières, d’autres couleurs pour un autre regard sur le monde.



jeudi 6 juillet 2023

Monaco Art Week

 

                                                    Mary Ronayne, HOFA YellowKorner Monte Carlo


Du 4 au 9 juillet 2023


D’une année à l’autre, Monaco Art Week ne cesse de prendre de l’ampleur et reflète en cela le dynamisme de la principauté à la fois pour le commerce de l’art et la variété de ses expositions. C’est toute la vitalité d’un écosystème qui, entre musées, maisons de vente aux enchères et galeries internationales, s’affiche en une multitude de propositions avec pour seule règle la qualité de l’œuvre. Pour clore cette semaine artistique, Artmonte-Carlo, organisé par Art Genève, s’est également hissé au fil du temps comme l'un des événements majeurs de la scène artistique sur le plan international.

L’art contemporain tisse l'essentiel du fil de ce parcours artistique mais le XXe siècle est superbement représenté par une importante sélection d’œuvres sur papier de Chagall chez Sotheby's tandis que, sur un autre registre, il rend hommage à John Chamberlain et son approche poétique de la matière chez Hauser&Wirth. On y trouvera aussi, comme chez Opera Gallery, des œuvres de George Condo en écho à la grande exposition de l’artiste, «Humanoid» au Nouveau Musée National de Monaco. Et toujours pour la peinture, un beau voyage dans l’impressionnisme chez Moretti Fine Art avec Renoir, Cross ou Le Sidaner et, rareté, un superbe bouquet de fleurs de Bonnard. Voici donc un beau prélude à la grande exposition estivale au Grimaldi Forum, «Monet en pleine lumière».

C’est davantage à de plus jeunes artistes que se consacrent d’autres galeries telles que HOFA YellowKorner avec un focus sur Mary Ronayne et son univers déjanté en couleurs acides pour une comédie humaine ensoleillée et grimaçante. Quant à Kamil Art Gallery, elle nous proposera toute une sélection de travaux abstraits d’Olga Sinclair sous le signe d’un expressionnisme maîtrisé et de la couleur. Dans sa relation à la littérature, c’est Jane Gemayel qui dans «Au cœur d’un regard», nous entraîne avec la Galerie Adriano Ribolzi, dans toute la complexité d’un univers sensible et lumineux.

Voici donc un panorama complet de la peinture d’aujourd’hui qui nous permettra la découverte d’œuvres inédites d’artistes tels que Soulages, Picasso, Léger et tant d’autres. Mais la photographie est aussi à l’honneur avec Axel Crieger à la Teos Gallery tandis que chez Lebreton, la céramique est célébrée par toute une série de pièces réalisée à Vallauris entre 1950 et 1970. Et n’oublions pas la joaillerie avec la recherche sur le titane de Martin Spreng chez Elisabeth Lillo-Renner qui présente aussi les bijoux aux motifs floraux de Margherita Burgener. Telle est cette scène artistique en plein essor qui place désormais Monaco parmi les capitales les plus dynamiques de l’art d’aujourd’hui car cette sélection est loin d’être exhaustive. Désormais partout, dans ses parcs, ses musées ou ses rues, l’art jaillit ici au cœur de l’été.