vendredi 20 juin 2025

«Fantômes!»

 

Hôtel Départemental des Expositions du Var, Draguignan

Du 21 juin au 28 septembre 2025


                                                  Boltanski, Monument

Les fantômes traversent tout le «spectre» des civilisations, de l’antiquité jusqu’à nos jours. En plusieurs chapitres, l’exposition dracénoise s’ouvre dans une atmosphère nocturne comme pour éveiller la fluidité de ces corps vides réduits au suaire blanc qui en revêt le souffle. Partout et de tous temps, les «revenants» fascinent nos imaginaires pour cette porosité de la vie et de la mort et de la réversibilité de ces passages entre l’avant et l’après. Traversant les murs et le temps, figures de l’angoisse ou du rire, entre poésie et humour noir, les fantômes illustrent cette universalité de l’irrationnel qui irrigue l’art, la littérature et même la science puisqu’au XIXe siècle le spiritisme se fond dans le scientisme et qu’on convoque mediums et esprits en faisant tourner les tables.

Toute cette histoire, sombre, drôle ou sulfureuse, nous est ici contée à travers objets archéologiques, documents, photographies, peintures et quantité de pièces pour une enquête méticuleuse et une chasse aux fantômes. On y découvrira l’authentique manuscrit du Horla de Maupassant aux lisières de la folie ou du rêve éveillé, une plongée dans les cauchemars d’Enki Bilal avec ses Fantômes du Louvre ou la peinture joyeuse d’un graffeur italien dans un mode pop art. Le Commissaire principal de l’exposition, Philippe Charlier, précise: «Ce n’est pas une maison hantée, mais une immersion dans le monde des esprits.» Et la scénographie, par ses jeux de lumière ou de sonorité, et en usant de tous les «mediums», permet au visiteur d’éprouver tout ce qui se décline sous le signe des chamans, des vaudous, des amulettes ou bien à travers la légèreté des fantômes dans les albums de Lucky Luke.

Au-delà de ce répertoire très ouvert, c’est aussi une méditation sur l’intemporel et l’invisible à laquelle nous sommes conviés. Et l’art est ce socle que même les fantômes veulent hanter. Peinture, cinéma ou photographie souvent se sont mesurés avec humour ou terreur au vertige de cet au-delà. Parmi la quantité impressionnante de pièces présentées, on retiendra une toile de Ary Scheffer de 1846, Marguerite tenant son enfant mort en provenance du Musée de la Vie Romantique, Le Spectre de Banquo de Chassériau dans un rappel de Macbeth et de Shakespeare ou une superbe toile de Füssli. L’art contemporain complète ce voyage dans l’inconnu avec trois œuvres majeures de Christian Boltanski, Reliquaire, Monument et Les ombres. De grandes photographies d’Alain Fleischer illuminent une salle avec La nuit des visages ou une vidéo, Les hommes dans les draps tandis que Sophie Calle nous installe face au dévoilement d’un Fauteuil (Parce que c’était le sien, parce que je le regarde).

Monde de l’étrange, l’univers des fantômes reflète, selon son étymologie, celui de nos fantasmes. L’exposition s’achève sur les spectres d’ailleurs, les rêves à traduire, les territoires à explorer loin des manoirs hantés, les cultures d’Afrique, du Mexique ou du Népal. Bon voyage alors puisque du pays des revenants on en revient toujours émerveillé. Et sur un mur, cette sublime phrase de Yukio Mishima: «Votre malédiction ne m’effraie pas! Je suis forte, parce que j’ai été aimée»

                                                        Chassériau, Le spectre de Banquo

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire