C'est une forme de
malice que de déplacer les formes canoniques de l'histoire de l'art
dans un contexte auquel elles sont à priori étrangères quand, par
exemple, dans l'apparence d'une filiation au pop art, l'artiste
s’exclut de toute neutralité, qu'il écarte la couleur et l'objet
pour s'en tenir au stricte affichage d'une histoire personnelle.
Malice, hiatus, effet d'éloignement interviennent alors comme pour
conjurer une perte et imprègnent le récit dans un cadre très serré de
noir et blanc, dans une série d'images d'un chat - celui que
l'artiste aima durant quatorze ans.
Pourtant l’anecdote est-elle subtilement corrompue par l'absence de
linéarité, de celle qui contrecarre l'illusion du temps dans le
développement d'un récit. Celui-ci demeure fractionné ; les
images ne s’emboîtent pas, leurs volumes à l'encre noire
flottent dans le vide du blanc qui pourtant leur donnent forme.
Comme si la mémoire n'était qu'un bloc fragile voué à la
déconstruction du réel. Aussi Richard Roux nous propose-t-il ce
qu'il est convenu d'appeler aujourd’hui une autofiction sauf que
celle-ci ne prend rien en charge du sujet mais désigne plutôt le
miroir que lui renvoie l'animal disparu.
Ainsi l'image est-elle constamment fragmentée. Elle demeure une
synecdoque là où les éléments du récit reposent aussi béants
que les pièces d'un puzzle qu'on ne peut reconstituer . L’œuvre
n'est que l’instinct d'un instant alors que la série, elle, s'impose comme
séquence. Richard Roux travaille par séries dans un laps de temps
assez court comme pour reconstituer une histoire personnelle mais jamais les
séquences ne s’assemblent; elles se juxtaposent, se refusent à
la nostalgie.
L'art
est parfois le négatif de son maître. A l'objectivité du pop art,
à sa neutralité acide, l'artiste répond par l'émotion. Celle-ci
est muette. Elle ne dit rien d'autre que les simples signes qui la
figurent.L'exposition est resserrée dans un espace où les dessins
sur les murs répondent à l'installation de blocs d'images brisées
à l'apparence de stèles posées sur le sol. Un dispositif qui lui
donne toute sa force pour une syntaxe à reconstruire, un récit
qu'il faut lire ou imaginer.
Espace "En haut de l'escalier"
2 rue Boissy d'Anglas, Nice
Du 16 janvier au 17 février 2018
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