jeudi 21 décembre 2017

Le cas Moya


             Galerie Lympia, Nice


MOYA en quatre lettres qui architecturent une œuvre. Parce que, matériellement, les peintures et les sculptures se structurent ici à partir de ces lettres et que l'artiste revendique fièrement les jeux de l'ego et de la duplication. A partir de son propre nom, Patrick Moya construit un univers personnel qui vise à l'universel et, une telle ambition le conduit à jouer de tous les registres et à rejeter les frontières admises entre naïveté, sérieux, humour, ironie... Tout se mêle joyeusement dans le désordre des formes et des couleurs mais aussi tout se dissout dans ces constructions baroques saisies par le vertige de créer un monde artificiel, d'en être le Créateur et de jouer avec ses créatures mielleuses et dérisoires.
Cela semble léger car issu du monde de l'enfance avec ses héros et ses mythologies mais pourtant ce paradis est fragile. Peut-être est-il contaminé par les clones et l'inflation médiatique qui le menacent. Et ce n'est pas le moindre intérêt de cette œuvre qui simule la candeur et la naïveté pour mieux dire l'extrême complexité de notre monde.
Aussi l'art de Moya consiste-t-il à parodier son propre univers en se projetant constamment dans des jeux de constructions en abyme, des jeux de miroirs où les mêmes figures résonnent sans cesse dans de nouvelles anecdotes sans autre trame que celles des signes qui les organisent. Ici aucune narration mais une mise en scène signifiante à partir de personnages issus de la culture populaire, des contes, de la bande dessinée , de la télévision et des nouvelles technologies. L'art est un double de la vie comme le sont les univers virtuels. Tout n'est plus que spectacle et alors tout devient possible dans la réalité de cette fiction de « Double life ». Les Dieux et les Hommes disparaissent happés par ces marionnettes qu'ils auraient construites.
Délire démiurgique ou méditation inquiète sur notre monde ? Sans doute la question taraude- t-elle l'artiste à un tel point que celui-ci ne cesse de se livrer à une sorte de psychanalyse en interrogeant le nom du père, les figures de l'enfance, la mièvrerie des décors du rêve, les nœuds du fantasme et du réel.
Au moins Moya ne triche-t-il jamais. Il joue avec insolence de la facilité mais excelle aussi dans des compositions numériques extrêmement complexes. Il assume l'exagération, le narcissisme et cette phrase célèbre de Mcluhan : « Le message, c'est le médium ». Et surtout il nous renvoie au miroir vertigineux de ce que nous sommes aujourd'hui. A chacun d'y insérer ses propres images ou ses significations mais tout se diffusera sous les auspices de la cruauté enfantine, du merveilleux corrompu par le kitsch et la redondance des images. Derrière l'opacité de cet univers factice, l'artiste dévoile peut-être la réalité d'un monde que nous ne savons pas ou que nous ne voulons pas voir.

Exposition du 19 décembre 2017 au 11 mars 2018



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