dimanche 25 juin 2017

Alberto Giacometti, "l'oeuvre ultime"

          Galerie Port Lympia, Nice, du 23 juin au 15 octobre 2017






Peu de temps avant sa mort en 1966, Alberto Giacometti note dans son carnet : « Je ne comprends plus rien à la vie, à la mort, à rien. » Ce doute qui s'apparente à un vide qu'il lui faut aussitôt combler et qui ne cesse de le hanter, se concrétise  dans son œuvre, l'incite à se remettre toujours en question.

Contempler une œuvre de Giacometti est un exercice plus difficile qu’il n'y paraît. D'abord parce que sa signification semble se donner immédiatement mais, au même moment, elle tend à s'effacer du fait même de cette immédiateté et elle se fond dans une interrogation existentielle à laquelle nous sommes sommés de répondre. De cette opposition fondamentale entre le vide et le plein, la vie et la mort, l'artiste nous en fournit cette réponse matérielle qui nous laisse sans voix. Autant dire que cette œuvre fascine, c'est à dire qu'au sens fort, elle nous charme, elle nous jette un sort. Les sculptures minérales, plâtres et bronzes, littéralement, nous pétrifient et nous renvoient aux mythes les plus archaïques de la Grèce antique.

Celui de la Méduse par exemple. Petite-fille née de l'union de la terre (Gaïa) et de l'océan (Pontos), cette divinité primordiale incarne l'ambivalence tragique du regard : ses yeux ont le pouvoir de pétrifier ceux qui les regardent. En quelque sorte, de les confondre dans le statuaire.   L'oeuvre de Giacometti peut se lire dans ce drame tapi au fond du dessin, de la peinture ou de la sculpture. Drame qui prend toute sa résonance quand cet art est ce combat forcené entre lumière, feu et extinction ; entre le vide et l'effacement. Nous voici au cœur de ce qu'écrivait Nietzsche dans « La naissance de la tragédie » : cette opposition fondamentale entre le principe apollinien lié à à la lumière et au feu et le principe dionysiaque sous les auspices de l'effacement et de l'obscurité.

Cette exposition relate en une cinquantaine d’œuvres ce doute fécond et acharné qui taraude l'artiste dont la plus haute statue surgit à la lumière de la terrasse et quand d'autres œuvres se dispersent jusqu'aux pièces voûtées pour jaillir de la pénombre. Et  on est saisis alors par la signification que ces œuvres nous imposent: L'homme est pétri, malaxé,vidé de toute substance ; il est dépouillé de toute histoire, de toute psychologie. C'est l'homme essentiel, réduit à un nerf, au point ultime de son incandescence. L'homme en prise avec les éléments, le feu du bronze ou l'assèchement du plâtre, ou saisi par le trait incisif du dessin qui balafre la feuille.
Giacometti, parce qu'il puise sa force dans l'origine du monde, ne dévoile aucun secret mais impose dans le visible la puissance du magnétisme. Il raconte notre histoire d'avant l'histoire.






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