jeudi 6 avril 2017

Gérald Panighi, "La vie est une fausse barbe qui se décolle de temps en temps"

Maison abandonnée (Villa Cameline), Nice




Il existe des œuvres que l'on considère différemment parce qu'elles suscitent un autre regard, qu’elles nous contraignent à réévaluer notre compréhension d'un monde asphyxié sous le poids des mythes, des masques, des attentes folles et des friches affectives. Gérald Panighi dessine en creux ce monde-là ; il en extirpe des loques de silence qui se veulent des mots, des lambeaux de phrases ou des espoirs morts jetés dans la vie comme des bouteilles à la mer sans espoir de retour.
Il y a la discrétion du texte, la modestie triste de l'image et ce fond un peu sale comme l'écran lointain d'un passé un peu rance dont la rancœur viendrait se déverser sur les rives du présent. Un fond d'une teinte sépia parsemée de taches, du papier arraché aux traces fragiles d'une histoire qui remonte par brides et dont les vagues s'éteignent. Ça traque une tendresse perdue, ça rit, ça grince, ça grimace et ça joue l'indifférence du silence.

Voici donc bien des rêves avortés à travers les poncifs des romans photos d'une autre époque ou ces images mythiques de héros de bande dessinée, tristes idoles d'une réalité déchue. Ce qui se joue ici c'est l'image d'une vie impossible et, son corollaire, l'impossibilité de l'image.
Gérald Panighi crée ce récit claudiquant dans le décalage du texte et de l'image, dans ce dialogue forcément mensonger. Il y a du Godard chez lui mais avec cette volonté de décrire les dialogues impossibles, l'intériorité des solitudes.
Des découpes de fiction se heurtent, épinglées au mur ou encadrées sous verre : On y voit une entomologie des sentiments dans le vaste  désert des images qui nous assaillent et des mots qui hurlent. Paradoxalement, c'est le silence qui résonne ici et cogne en nous pour nous rappeler les épaves oubliées de nos propres existences, nos feuilles mortes qu'on sème sans les voir, nos rêves trahis d'une autre vie dont il convient de ne ne plus même rêver le rêve.

Du 1 au 19 avril 2017



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